Le redressement productif, un chemin politique


Chères lectrices et chers lecteurs,

Une fois n'est pas coutume, je vais par ce billet aborder la politique par la cuisine, celle du PS, qui parfois est encombrée de casseroles mais toujours bien moins qu'à l'UMP.

En vue du congrès de Poitiers du Parti Socialiste, nous sommes quelques uns (de plus en plus nombreux), fidèles à nos engagements, à porter une "contribution thématique" dont le titre vous évoquera sans doute quelque chose. 

A sa lecture il ne vous échappera pas que nous faisons du "Montebourg sans Arnaud Montebourg". Nous croyons en nos idées exprimées ci-après. Lui a décidé de devenir entrepreneur (pour piquer la place de Gattaz au Medef ?) et nous, nous continuons notre petit bonhomme de chemin.

Evidemment vous aurez noté le "thématique" de notre contribution qui n'est donc pas une "contribution générale" mais de cela je parlerai plus tard car nous avons aussi signé une contribution générale, à vous de deviner laquelle :-)

Voici le texte : Le redressement productif, un chemin politique 

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Après 10 ans dans l’opposition, nous ne nous attendions pas à ce que l’exercice du pouvoir soit facile. Chacun savait que la gauche rencontrerait, comme par le passé, une forte résistance. Nous savions que des compromis seraient nécessaires, qu’il faudrait redresser les comptes publics tout en relançant la croissance et en faisant reculer le sentiment d’abandon ayant gagné une partie du pays. 

Mais personne n’avait prévu que la politique menée prendrait une telle déviation et, pour reprendre l’expression utilisée par plusieurs ministres et responsables socialistes, que nous soyons à ce point « mis en échec ». 

Le Congrès de Poitiers est l’occasion de tirer les enseignements de la période 2012-2015 : Cette contribution a pour objet de tirer les enseignements du chemin politique qui a été suivi par le ministère du redressement productif (MRP) et ses alliés, et de tracer quelques perspectives d’action pour la fin du quinquennat. 

La création du MRP (Ministère du Redressement Productif) en mai 2012 a été l’une des rares innovations politiques de la nouvelle majorité socialiste, l’une de ses seules audaces. Malgré le mépris de ceux qui ont raillé au sein même de Bercy un ministère à l’intitulé nouveau, la politique de redressement productif mise en œuvre pendant 28 mois constitue un acquis politique, une richesse au milieu de l’impasse économique, financière et politique dans laquelle nous a enfermé une fidélité obstinée à certain dogmes. 

Le redressement productif marque d’abord pour la gauche la volonté d’agir pour soutenir le monde de la production, de construire des alliances nouvelles, réincarnations de celles ayant fondé la prospérité de notre économie dans le passé. Le sauvetage d’entreprises en difficulté, l’élaboration de grands investissements ou la construction de projets collectifs de filières ont tous été marqués par cette volonté de construire l’alliance des forces productives dans laquelle chacune des parties - salariés, chefs d’entreprises, actionnaires, collectivités locales, structures de recherche, acteurs de la formation et bien d’autres - prend sa part de l’effort collectif pour rebâtir- à l’échelle d’une entreprise, d’une filière, d’une région, d’une start-up- la substance productive de notre pays, laminée par des décennies d’indifférence. 

En 28 mois, il a fallu sauver ce qui pouvait l’être et créer les projets qui seraient les colonnes vertébrales pour l’économie française de demain. Dans le secret des restructurations, dans l’enthousiasme des start-ups, au contact des découvertes des équipes de R&D, il a fallu aller au contact des entreprises, de leur capitaines, de leurs salariés, des territoires de l’industrie, aimer l’histoire industrielle, œuvre des travailleurs, des entrepreneurs, des ingénieurs, des créateurs et des enthousiastes de notre pays. 

Une telle vision renouait d’une certaine façon avec la politique de production de l’après-guerre tout en adaptant l’esprit du plan à l’ère du numérique, au fonctionnement participatif et aux violences de la mondialisation. 

Quels enseignements pouvons-nous tirer ? 

Ce que Florange nous a appris. L’intervention de l’Etat dans l’économie, postulat de la politique de redressement productif, heurtait les certitudes libérales qu’une majorité de responsables économiques du Gouvernement avait acquises dans les années 90. Le débat autour de la fermeture de hauts fourneaux de Florange a été significatif : le choc entre la vision d’un Etat interventionniste, catalyseur et stratège, architecte et bâtisseur d’une part et celle d’un Etat libéral, purement régulateur, passif dans les flux de la mondialisation, est apparu au grand jour, au sein même du Gouvernement. 

On a raillé l’amateurisme, voire la folie, du projet de nationalisation temporaire et de reprise des hauts fourneaux. On a crié à l’opération de communication irresponsable. Mais le débat n’était pas là. Il a révélé un schisme politique plus profond. 15 ans après « l’Etat ne peut pas tout » de Lionel Jospin devant les ouvriers de Vilvoorde et alors que la thèse « oui à l’économie de marché, non à la société de marché » a explosé en vol, des socialistes proposaient de faire quelque chose. 

Les novateurs étaient les partisans de l’intervention étatique, les conservateurs, les libéraux du Gouvernement. L’ironie veut que Matéo Renzi ait nationalisé une aciérie quelques mois plus tard, sans faire preuve de la pudeur française. Après l’échec du projet de nationalisation et de reprise, le débat s’est poursuivi d’une façon décisive avec l’intervention de la BPI dans les fonds propres d’entreprises importantes et l’évolution du rôle de l’Etat actionnaire (qui ne gère plus seulement un patrimoine mobilier mais devient un actionnaire stratège). 

L’action menée par le Gouvernement lors du projet de cession d’Alstom au printemps 2014, enfin, a conduit non seulement à améliorer l’issue de la négociation pour les intérêts français, mais surtout à faire signer le décret sur les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques qui a entériné la nécessité pour l’Etat d’être un acteur pragmatique et stratégique dans la mondialisation. 

Ces épisodes ont consolidé un acquis pour les socialistes : l’intervention de l’Etat n’est pas une transgression coupable mais peut constituer une solution stratégique et protectrice. L’Etat est un acteur économique à part entière qui a le devoir d’agir lorsque les intérêts de la Nation sont en jeu. Il doit être un investisseur, avisé mais aussi audacieux et clairvoyant. Il doit veiller à préserver l’indépendance technologique et à maintenir des capacités de production jugées nécessaires à la stabilité de l’économie française. 

L’Etat s’est imposé également comme un facilitateur de l’organisation de filières industrielles, un catalyseur de développement. A rebours des réticences libérales, l’Etat doit jouer un rôle central dans la construction de la nouvelle économie française et le PS ne peut accepter l’idée d’un Etat indifférent faisant confiance au principe actif d’un marché pur et parfait. L’appareil de production français se modifie en profondeur. L’écoute des signaux faibles dans le tissu économique, dans les territoires et dans la société, a permis d’esquisser les métamorphoses de l’économie et de la société et penser librement la société et les combats du 21e siècle. 

Il est apparu de plus en plus clairement, dans le secret des centres de R&D, dans le bouleversement des nouveaux services, matériaux et produits offerts à la population, que la façon dont la valeur économique se créée et se répartit, était en train de se transformer. Le modèle économique naissant, fondé sur la valeur de l’information, sur les actifs immatériels, sur de nouvelles plateformes, la transformation des processus et l’émergence de nouveaux usages- s’éloigne de plus en plus du modèle fordiste - qui avait servi de support à la construction de la sécurité sociale en 1945. 

Le paradigme général change. La révolution numérique va de pair avec l’utilisation d’une quantité de données inédite, ainsi que sur les progrès très rapides de la robotisation et de l’intelligence artificielle qui vont contribuer à créer des emplois mais également à en menacer un grand nombre et à orienter une part croissante de la richesse vers les propriétaires de robots. 

Le problème du chômage de masse que nous connaissons aujourd’hui ne disparaîtra pas avec la fin de l’austérité : si la croissance revenait, son contenu en emploi n’est pas établi. La question de la manière dont peut s’opérer la répartition des gains de productivité effectués devient dès lors de plus en plus pressant car le compromis des trente glorieuses sur la répartition de la valeur ajoutée est remis en cause de fait par le contenu en emplois de la croissance. 

Le rôle de la technologie dans le progrès et dans l’organisation sociale doit être un axe majeur de travail pour la décennie qui vient : nul ne peut feindre d’ignorer cette tendance de long terme. Ces évolutions vont bouleverser l’organisation de nos modes de vies. Au-delà du débat nécessaire sur l’austérité que nous avons mené, il est temps d’apporter des réponses structurelles au changement de paradigme en cours. Sinon, la métamorphose se déroulera sans nous et produira plus d’inégalités et moins de cohésion sociale. 

Ainsi, l’objectif de retour au plein emploi restera vain tant qu’il ne sera pas pensé en articulation avec la répartition des richesses créées. La question du partage du travail entre les forces disponibles, et donc éventuellement de la réduction du temps de travail ne doit être ni l’alpha et l’oméga de nos politiques ni un tabou à gauche. L’organisation des temps de la vie, entre études, travail, vie de famille, formations, doit aussi permettre de dégager des marges en vue d’un meilleur partage des richesses. 

Il faut également bâtir un compromis économique pour relever le défi du changement climatique grâce au protectionnisme vert. Nous devons conduire notre économie vers un modèle écologiquement intensif et décarboné en réorientant la production, modifiant la consommation, modifiant nos modes d’organisation. Atteindre des compromis dans ces domaines suppose d’assumer des coûts. Il sera impossible à la fois de réaliser des investissements écologiques coûteux, d’accepter en commun des baisses de productivité dans certains secteurs de l’économie pour être plus respectueux de l’environnement et en même temps que notre économie soit en compétition avec des espaces économiques qui ne réalisent pas ces efforts. 

Lors de l’accord de Kyoto, nous nous sommes imposé des contraintes importantes sans créer d’écluse environnementale aux frontières : notre production de CO2 nationale a baissé entre 1990 et 2009, l’industrie a réalisé des efforts et des performances admirables mais notre consommation de CO2, elle, a augmenté. Nous n’avons pas fait de progrès, nous nous sommes contentés de délocaliser nos émissions de CO2 et délocalisant notre industrie.Le chemin pour relever le défi du changement climatique passe par la mise en place d’écluses, d’une mesure et d’un pilotage du carbone consommé et importé. 

Le Gouvernement socialiste doit faire de la question de la concurrence socialement et fiscalement déloyale une priorité à l’échelon européen. Pour l’heure, l’amorçage d’une transition énergétique et écologique est un relatif échec. Les socialistes n’ont pas pu surmonter la divergence entre la croissance, garante du maintien des compromis sociaux et des équilibres économiques, et donc de la productivité, et la double nécessité de sobriété dans la consommation de ressources et de réduction les émissions de gaz à effet de serre. Pourquoi ? 

Le combat pour cette transition et la construction d’un rapport pacifié à notre environnement s’est déroulé depuis trente ans envers et contre toutes les tendances économiques de notre économie, contre le keynésianisme de la consommation, le capitalisme de l’extraction, l’exaltation de la richesse de l’avoir. C’est pourquoi engager cette transition relève du défi, que les résistances sont si fortes et que les résultats concrets sont si limités. Pour réussir, nous devons créer l’alliance des producteurs et des consommateurs. La consommation doit être un levier de transformation et d’action politique. Que les citoyens soient des consommateurs intransigeants, qu’ils votent avec leurs achats : circuits courts, agriculture raisonnée et biologique, productions nationales, richesse en emplois de la consommation quotidienne. L’Etat doit se doter d’outils pour soutenir ces modes de consommation générateurs de cohésion. 

Le « Made in France » s’est révélé être plus qu’une mode, un élan et le révélateur d’un besoin de la société. La politique vit également d’étendards et de symboles. Le Made in France et cette marinière qui a tant fait sourire sont des mots d’ordre qui se sont répandus comme une traînée de poudre dans l’esprit des Français. 

Le « Made in France » a révélé une fierté : dans une économie mondiale qui rend les circuits économiques incompréhensibles, il s’agit de recréer l’alliance entre le consommateur et le producteur. Il faut bâtir un compromis entre pouvoir d’achat, cohésion sociale et émancipation. Réconcilier le consommateur, le producteur et l’habitant de notre planète. La République des choses ne peut remplacer la République de l’émancipation. 

Face à ce changement de modèle, les socialistes doivent bâtir de nouvelles réponses pour faire en sorte que la nouvelle économie française soit plus inclusive et que les nouveaux circuits ne contribuent pas à creuser encore les inégalités. Révolutions productives, nouvelles consommations et nouveaux équilibres économiques, voilà l’un des horizons des socialistes. Le soutien engagé en faveur de l’économie collaborative, de l’économie sociale et solidaire, des nouvelles formes d’activité et d’organisation du capital doit être approfondi afin d’augmenter la résilience de notre tissu économique. 

Dès à présent, le parti socialiste doit proposer de refonder la Sécurité sociale, principal bien commun des Français. Créée en 1945 pour protéger les individus dans une société fordiste (plein emploi salarié, syndicats puissants, économie fermée), elle n’est sans doute plus adaptée au monde économique actuel et à ses risques nouveaux (chômage de masse, précarité, revenus non-salariés captés par des détenteurs de patrimoines). Comme les risques sanitaires, les temps de la vie ont changé : jeunesse, retraite, vieillesse, grand âge recouvrent des réalités nouvelles. 

Les structures familiales se sont profondément renouvelées, des risques environnementaux émergent: comment nous en protéger collectivement ? Notre regard sur le travail doit évoluer : les tâches répétitives mécaniques et intellectuelles sont de plus en plus largement effectuées par des machines. C’est un progrès. Des taches pénibles demeurent, il faut les reconnaître et les évaluer. Au niveau mondial, la satisfaction de nos besoins matériels exige de moins en moins de travail. Nous ne pouvons rejeter ces gains de productivité qui libèrent mais l’augmentation du niveau de vie général doit être partagée! Il nous faut penser l’évolution du travail et du salariat classique hors de nos zones de confort habituelles. 

Le projet de la droite est de détruire la logique de solidarité nationale : en brandissant la dette, ils veulent substituer à des financements collectifs des financements individuels, c’est-à-dire plus d’inégalité. Le projet de “privatiser” la Sécurité sociale, de transférer ses missions aux assureurs, n’est un secret pour personne. Pour s’opposer à cette vision néolibérale, le PS doit proposer des Assises de la Sécurité sociale qui permettraient d’aborder les enjeux dans leur ensemble. 

Le projet des socialistes doit être de construire les biens communs du XXIè siècle. La mise en place des infrastructures de l’économie numérique, des villes de demain, des transports décarbonés, la structuration du patrimoine constitué par les informations nationales, le développement de nouveaux dispositifs d’éducation et de diffusion de l’offre culturelle, la structuration du savoir numérique : la liste des investissements communs est grande. 

Ils ne peuvent ni ne doivent être supportés par les entreprises privées. La clé de la sortie de crise tient en un mot : l’investissement. Qu’il s’agisse de la transition énergétique, la construction d’infrastructures nouvelles, les besoins de financement se sont heurtés dans les négociations nationales et communautaires au mur de l’ajustement budgétaire. 

Dans les entreprises privées, l’investissement est en panne en raison du manque de confiance dans l’avenir, de la stagnation économique, des incertitudes géopolitiques, du spectre de la déflation. Les marges de manœuvre dégagées par le CICE et les crédits bancaires à destination des PME et des ETI doivent être acheminés dans l’économie réelle. La Banque centrale européenne n’avait pas franchi le pas des véritables actions de relance (quantitative easing) jusqu’en janvier 2015. 

Elle est désormais convertie aux solutions appelées de nos vœux depuis 2012. Cette bouffée d’air doit néanmoins parvenir aux entreprises et aux particuliers. En outre, après des années d’ajustement budgétaire, il est indispensable d’entrer dans une phase d’investissements publics, si possible au niveau européen pour financer des infrastructures européennes indispensable à la métamorphose économique du vieux continent. Cela suppose de desserrer l’étau de l’austérité. Cela impose de revenir au premier enseignement des années 2012-2014.

L’attachement absolu, conscient ou inconscient, de tant de dirigeants socialistes aux dogmes de la rigueur monétaire. Au rythme des alertes et des décisions politique prises du printemps 2012 à l’automne 2014, il est apparu clairement que la politique menée ne relevait pas du sérieux budgétaire mais d’une autre politique.

D’abord, une vision purement comptable a dominé : les approximations qui ont conduit à l’épisode désastreux de « pigeons » sont inexplicables autrement, pas plus que la destruction de milliers d’emplois dans les services à la personne après les décisions fiscales de juillet 2012. Mais c’est aussi la primauté d’une certaine doctrine, d’une certaine culture, diamétralement opposée aux principes du discours du Bourget et aux positions du Parti socialiste pendant les 10 ans d’opposition, qui a conduit à la dérive. 

L’abandon d’une réforme fiscale d’ampleur au profit d’une mosaïque désordonnée de mesures techniques. La taxe sur les transactions financières amputée, réduite à presque rien par des ministres des finances socialistes. La trop faible ambition de la réforme bancaire, ne permettant pas l’acheminement nécessaire des crédits vers l’économie réelle. Bref, un recul général de la gauche sur le front socio-économique. 

Dans ce contexte, la volonté de construire des alliances productives et de demander des efforts à chacun, dans un esprit d’union nationale économique, s’écartait trop d’un discours unilatéral de soutien aux entreprises et de transfert des charges vers les ménages, que rien ne pouvait contrebalancer. Lors de la conception du CICE, l’idée de prévoir un mécanisme de ciblage, d’exclusion de secteurs dans lequel l’effet d’aubaine serait incontestable, ou des mécanismes de contreparties sociales, a été exclue. 

Les représentants des ministres socialistes, héritiers d’une tradition social-démocrate de compromis sociaux, semblaient s’être convertis à la politique d’un choc pro-entreprise inconditionnel et des dogmes monétaires européens. 

Une alternative était proposée, passant notamment par la règle de trois tiers (un tiers des économies rendu aux entreprises, un tiers aux ménages les plus défavorisés et un tiers à la réduction de la dette) qui aurait permis d’allier sérieux budgétaire et reprise de la croissance. 

Las, rien n’a permis l’inflexion. L’alliance entre une approche comptable et une vision hydraulique de la croissance (si j’appuie sur le piston et le moteur va repartir tout seul) qui s’est heurtée aux faits a conduit la France à subir le double effet propre à la spirale de l’austérité: plus de déficit et moins de croissance. Le déficit public en 2014 est, pour la première fois depuis 2008, reparti à la hausse en termes nominaux et relatifs. La hausse du chômage, amorcée avec le choc de 2008, n’a pas cessé. 

Lorsque cette certitude fut acquise, la poursuite d’une politique de redressement productif, en contradiction avec la politique macro-économique récessive et avec le soutien unilatéral aux entreprises, ne pouvait être poursuivie. Nous devrons un jour nous interroger sur les raisons qui nous conduisent si régulièrement à mener des politiques à rebours de ce que le cycle économique nous commanderait de faire. 

Peser explicitement pour un rééquilibrage du consensus économique européen, modifier le centre de gravité de l’Europe. Les certitudes ordo-libérales ne résistent pas à l’épreuve de faits. « Aucun pays n’est jamais revenu à la prospérité avec des mesures d’austérité », indiquaitJoseph Stiglitz et cette réalité a des conséquences politiques : après les chocs sociaux de l’austérité, la gauche européenne se recompose dans les pays du sud qui ont été bien plus violemment touchés que la France. Là-bas, les partis sociaux-démocrates sont balayés ou affaiblis par leur aveuglement. Le pire serait que le débat qui a lieu aujourd’hui en Europe se traduise par un déni de démocratie en opposant souveraineté des peuples et approfondissement politique de l’Europe. 

La souveraineté, c’est la possibilité pour chaque citoyen de donner son avis et de choisir son avenir. C’est ce que l’on a voulu ôter aux Français après 2005 avec le Traité de Solidarité CG et maintenant aux Grecs, aux Espagnols, aux Portugais en imposant des mesures qui finissent de prouver leur inefficacité et des politiques qui affaiblissent l’Europe. 

Dans ce nouvel environnement, entre l’Europe du Sud et l’Europe du Nord, la France n’a pas à choisir : elle doit être le centre de gravité de la réorientation, le point d’équilibre, un trait d’union, le moteur de la rénovation. En 2015, nous sommes à un tournant politique important. Nous savons que le Front national prospère dans la crise, partout où nous avons laissé les chantiers de la justice sociale et de la cohésion sociale en jachère. Il n’est pas un épouvantail mais un parti qui demain peut gouverner si nous échouons. 

Symétriquement, demain, le parti socialiste peut mourir ou se réinventer. Les mouvements de gauche citoyens et populaires qui font entendre leur voix dans les pays du Sud de l’Europe sont l’expression d’une gauche moderne, qui connaît son histoire mais n’a pas besoin de s’y référer en permanence pour éviter de se situer dans le monde d’aujourd’hui, qui n’a pas peur de la radicalité mais n’a jamais souhaité sortir de la méthode réformiste, qui prend l’initiative du large rassemblement de la gauche dans toutes ses composantes à partir du moment où celles-ci acceptent de refaire du citoyen à la fois l’initiateur et l’objectif des politiques publiques. 

Pour notre part, nous sommes déterminés à travailler à la recomposition de la gauche. Européens, nous les sommes, et nous savons que le mouvement actuel est un mouvement de fond. Les gauches européennes se reconfigurent. Elles font leur choix. Elles se parlent. Elles essaient de trouver des solutions pour associer leurs citoyens aux décisions. 

Transformer la société en s’appuyant sur les structures de la société capable de porter le changement. Réfléchir à une stratégie du changement et de la transformation en associant plutôt qu’en ne considérant les citoyens que comme des électeurs à convaincre. 

Si le PS s’engage dans ce mouvement, il peut en devenir l’un des fers de lance, et être l’un des principaux artisans d’une autre Europe et d’une autre société. En un mot, pour le Parti socialiste, c’est la mue ou la mort.

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Ami(e)s socialistes n"hésitez pas à nous rejoindre en signant notre contribution qui se trouve ici : 


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