Florange : La trahison expliquée et détaillée

"C'est de la confiance que naît la trahison."
Vous vous souvenez sans doute de l'affaire de Florange qui en réalité est une affaire Mittal tant ce groupe est responsable de ses propres décisions, vous savez également, peut-être vaguement, qu'il a été question d'emplois, de hauts-fourneaux, de plan social, de nationalisation temporaire, de Montebourg, de Ayrault et au final d'un accord le 30 novembre 2012 entre le 1er ministre Jean-Marc Ayrault et Lakshmi Mittal.

Je vais donc rafraîchir la mémoire de mes lecteurs sur cette affaire de la sidérurgie française qui après l'abandon de Gandrange par Sarkozy vit encore un épisode douloureux avec Hollande.

Rappelez vous en septembre 2012 Mittal fixait un ultimatum au gouvernement, oui oui, un ultimatum, en lui donnant 2 mois, jusqu'au 1er décembre, pour trouver un repreneur pour les seuls hauts fourneaux et en prenant soin d'indiquer qu'il n'entendait rien négocier. Il se faisait très menaçant puisque si le gouvernement ne trouvait pas de repreneur :

  • Il fermait définitivement les hauts fourneaux 
  • Il ne mettait pas un euro d'investissement
  • Il mettait en place un plan social
  • Les 650 salariés concernés se seraient sans doute retrouvés sans emploi
Après quelques péripéties et déclarations diverses et variées et la volonté d'Arnaud Montebourg de sauver réellement la sidérurgie française, ce qui soit dit en passant ne semblait pas être le cas du 1er ministre, Mittal et Jean-Marc Ayrault se sont mis autour de la table pour signer un accord annoncé par un communiqué triomphant du 1er ministre le 30 novembre 2012, prévoyant : 

  • Aucun plan social 
  • Les hauts fourneaux sont maintenus en l'état
  • Pas de licenciement 
  • Investissement de 180 millions d'euros sur 5 ans
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A première vue on pouvait se dire que c'était bien joué mais quand on commence a regarder de près on se dit que ça frôle l'arnaque, comment et pourquoi ?

1°) L'investissement de 180 millions sur 5 ans : 

C'est une jolie somme quand on en prononce le montant mais quand on y regarde de plus près on s'aperçoit que cela ne représente que 36 millions par an. Quand on sait que chaque année lors de 8 dernières années Mittal investissait 30 millions /an on doit reconnaître que Mittal ne fait pas un effort. 

Par ailleurs, on sait que le rapport de l'expert indépendant Pascal Faure remis à Arnaud Montebourg en juillet 2012 préconisait notamment un effort de 80 millions (25 millions sur la filière dite "chaude" et 55 millions pour le "froid") ce qui faisait 400 millions sur 5 ans, on est très loin du compte avec les 180 millions de l'accord du 30 novembre. (le rapport est disponible ici).

2°) Le sort des hauts fourneaux :

Mittal voulait les fermer en septembre 2012 et s'était engagé dans l'accord avec Ayrault à "les maintenir en l'état" dans l'attente de la réalisation d'un projet européen de captage et de stockage de CO2, baptisé Ulcos (Ultra-Low Carbon Dioxide Steelmaking).

Tout cela n'est que du vent puisque le 24 avril 2013 la procédure d'extinction définitive des hauts-fourneaux du site de Florange était engagée par Mittal au mépris des engagements pris avec le 1er ministre.

3°) Aucun plan social disait-il : 

Evidemment suite à la fermeture des 2 hauts fourneaux Mittal a engagé les négociations d'un plan social avec les représentants du personnel pour le reclassement de 629 ouvriers concernés. Au final un accord a été trouvé entre la direction et les organisations syndicales le 29 mai 2013 (signé le 7 juin) prévoyant notamment 200 départs en retraite et pré-retraite ainsi que des mesures de reclassement pour les autres salariés.

En substance, les salariés mutés ailleurs perçoivent une prime de 3600 euros pour changement forcé de carrière, pour les départs en retraite, c'est 12 mois de salaires que ces salariés percevront.

Conclusion : 

Mittal a fait ce qu'en septembre 2012 il avait annoncé vouloir faire en fixant un ultimatum au gouvernement, il a fait fi de l'accord conclu avec Ayrault le 30 novembre 2012 :

  • Il a fermé les deux hauts fourneaux
  • Il a mis en place un plan social (sans licenciement)
Pour Jean Marc Ayrault et François Hollande s'est un échec cuisant, ils se sont fait balader par Mittal comme jamais, même s'il n'y a pas eu, et bien heureusement, de licenciements. Mittal a fait ce qu'il a voulu quand il l'a souhaité.

Il me revient en mémoire les propos d'Arnaud Montebourg en novembre 2012 avant l'accord inique entre Ayrault et Mittal :
"Le problème des hauts fourneaux de Florange, ce n'est pas les hauts fourneaux de Florange, c'est Mittal"

"Quand j'ai déclaré 'nous ne voulons plus de Mittal en France', j'ai voulu dire que nous ne voulons plus des méthodes de Mittal en France, des méthodes qui relèvent du non-respect des engagements, du chantage et des menaces"

Force est de constater qu'il avait raison et que surtout et sur tout le premier ministre a été incapable d'avoir eu la volonté politique de faire respecter un accord qu'il avait pourtant conclu avec Mittal.

Cette capitulation en rase campagne est une trahison de la parole donnée.

A la lumière des agissements de Mittal il apparaît clairement que la solution retenue ne pouvait être que de nationaliser temporairement l'ensemble du site puis de le revendre à un repreneur "crédible" comme celui que Montebourg avait trouvé.

Les algériens ont eux été beaucoup moins dociles et permissifs avec Mittal, puisque l'Algérie vient de nationaliser Mittal pour .... 1 euro symbolique, comme quoi .....



crédit photo JS Evrard / AFP



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