Comment monter un buzz anti Montebourg à peu de frais


Hier, jolie empoignade sur une déclaration d'Arnaud Montebourg à propos des gaz de schiste. En lisant ce billet vous vous apercevrez que tout ce qui brille n'est pas forcément lumière puisque qu'au final, cette histoire de déclaration n'est rien d'autre qu'un buzz journalistique relayé par les écologistes qui se plaisent à cibler Montebourg :

Les ingrédients :

- une audition devant une commission à l'assemblée nationale (vidéo ici);
- une agence de presse "écologiste", en l’occurrence, AEF Développement durable;
- un site internet d'un grand quotidien, Le Monde
- un député écologiste;
- un député socialiste
- un ministre de l'écologie


Acte 1 : Dans le cadre de son audition par la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur la réforme du code minier, Arnaud Montebourg s'est prononcé le 9 juillet (et pas hier 10 juillet jour du buzz) en faveur de la création d'une société nationale qui exploiterait le gaz de schiste si un jour il devait être exploité en préservant l'environnement.






Acte 2 : AEF développement durable publie le 9 juillet à 20h25 une dépêche qui passe totalement inaperçue :
Énergies et Environnement - Mardi 9 juillet 2013 - 20:25:05 
Arnaud Montebourg propose une « compagnie publique et nationale » pour exploiter les gaz de schiste « écologiques »
Arnaud Montebourg développe une idée « personnelle » consistant à créer une « compagnie publique et nationale » qui exploiterait les gaz de schiste et « assurerait le financement de la transition énergétique » afin de « libérer » la France de sa dépendance au pétrole, lors d'une audition de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, mardi 9 juillet 2013. 
Le ministre du Redressement productif précise d'abord qu'il faudra « régler le problème de la pollution du sous-sol, qui est un pur scandale aux Etats-Unis », et celui de la « captation de la rente que représenterait...

Acte 3 : Le site internet du journal Le Monde publie le lendemain 10 juin à 11h28 un "papier" reprenant 15 heures plus tard, le communiqué d'AEF développement en choisissant un titre évocateur et racoleur : "Gaz de schiste : Montebourg veut créer un groupe public pour l'exploitation" sans vérifier la préexistante d'une déclaration similaire de Montebourg.


Acte 4 : Toute la presse reprend à son compte le papier du Monde et la vague déferle pendant quelques heures.


Acte 5 : Denis Baupin grand manitou écolo parisien réagit par un tweet "musclé"




Acte 6 : Jean-Paul Chanteguet, président (PS) de la Commission du développement durable à l'Assemblée nationale réagit vertement lui aussi en déclarant "En accord avec le livre qu'il a écrit, Des idées et des rêves, Arnaud Montebourg imaginant exploiter de manière écologique le gaz de schiste nous montre qu'il est un doux rêveur, ce qui pose la question de son maintien au gouvernement"


Acte 7 : L'AFP diffuse en communiqué à 14h08 mentionnant de nouvelles précisions Le cabinet de Montebourg précise, s'il en était besoin que l'hypothèse de l'exploitation du gaz de schiste se situe pleinement dans "le cadre fixé par le président de la République qui est de dire qu'il n'y aura pas de fracturation hydraulique". A l'Assemblée nationale, M. Montebourg a souligné que pour exploiter les gaz de schiste dont le sous-sol français serait potentiellement riche, il faut d'abord "régler le problème de la pollution des sous-sols, qui est un pur scandale aux Etats-Unis".

Acte 8 : Le nouveau ministre de l'écologie Phillipe Martin réagit lui aussi mais visiblement il n'est pas au courant de tout (normal il débute) car il tient une position ("La question d’une exploitation « écologique » des gaz de schiste ne se pose pas") un poil différente de celle du président de la République qui n'a exclu que les méthodes d'exploration polluantes. 

Conclusion, la position de Montebourg n'est en rien une nouveauté : 

Sur le fond de l'affaire il est utile de rappeler que le 19 février dernier lors de l'audition d'Arnaud Montebourg par la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, le ministre avait dit strictement la même chose aux membres de la commission dont Denis Baupin est membre qui d'ailleurs avait même interrogé le ministre. 

Le plus comique c'est cette commission est présidé par Jean-Paul Chanteguet qui a réagit violemment hier alors même que Montebourg a déclaré la même chose devant lui le 19 février dernier, voyez plutôt : 

Extraits de l'intervention d'Arnaud Montebourg le 19 février devant Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire  : 


Arnaud Montebourg : 
S’agissant des techniques d’extraction des différents gaz, vous connaissez la politique du Gouvernement, énoncée par le Président de la République dans sa conférence de presse de novembre 2012 : le refus de la fracturation hydraulique – si la loi est attaquée devant le Conseil constitutionnel, sa décision s’imposera au Gouvernement et le Parlement sera de nouveau saisi – n’est pas le refus de la recherche scientifique, visant à dépasser la technique actuelle qui est commune à la géothermie profonde et à l’exploitation des hydrocarbures et des gaz de schistes. 
Les problèmes que pose cette technique ne tiennent pas tant à la fracturation de la roche – des spécialistes n’y sont pas opposés par principe – qu’à l’injection de produits chimiques qui, d’une part, causent des dégâts irrémédiables au sous-sol en provoquant un bouleversement géologique que nous ne savons pas maîtriser et, d’autre part, risquent de polluer de manière irréversible les nappes phréatiques. 
C’est la raison pour laquelle cette technique est interdite en France et qu’aux États-Unis même le mouvement qui la rejette est de plus en plus puissant. J’ai même entendu ceux qui pratiquent cette technique reconnaître qu’elle n’est pas « élégante », euphémisme pour « dangereuse ».
S’agissant du gaz de schiste, je le répète, nous devons accompagner la recherche. Je suis attaché à l’idée de ne pas en confier le pilotage à des intérêts industriels privés mais à un service public de la recherche scientifique. Quoi qu’il en soit, si nous devions nous diriger vers l’exploration, voire l’exploitation du gaz de schiste, nous le ferions avec l’aval du Parlement : le Gouvernement n’a pas de compétence en la matière, il devrait passer par la loi. 
Le débat, dans le cadre de la transition énergétique, aurait donc lieu au Parlement où le projet réunirait, ou non, une majorité en sa faveur. Aucun directeur de cabinet ministériel n’octroiera de permis d’exploration de gaz de schiste comme ce fut le cas auparavant. C’est une compagnie nationale, sous le contrôle conjoint du Parlement et du Gouvernement, qui encadrerait une éventuelle mise en exploitation de ce gaz, et ce, afin d’éviter les dérapages qu’ont connus d’autres pays – telle est du moins ma position, dont je n’ai pas encore fait part au reste du Gouvernement


Je vous invite à lire les réponses d'Arnaud Montebourg aux questions des membres de la commission :



Cette affaire démontre comment un buzz négatif peut être monté de toute pièce alors même qu'il n'y a aucune novation ou idées nouvelles formulées ou décisions prises changeant en quoi que ce soit les propos précédemment tenus, respectant de surcroît la politique du gouvernement et le choix du Président de la République qui je le rappelle est le suivante :

Depuis la grande conférence environnementale de septembre dernier : pas d'exploitation, durant le quinquennat, des gaz de schiste, par fracturation hydraulique ou tout autre méthode possiblement polluante. Ce qui n'exclue donc pas les autres méthodes

Après, on peut tenir débat sur le bien fondé ou non de l'exploitation du gaz de schiste, personnellement, et je l'ai déjà écrit sur ce blog dès 2011, j'y suis opposé, mes origines Ardéchoises n'y sont sans doute pas pour rien. (rappel : Borloo avait accordé des permis d'exploration du gaz de schiste dans l'Ardèche).

Enfin, je lis les "sachants" qui savent qu'il n'est pas possible de trouver une méthode d'extraction non polluante  ................ ce sont sans doute leurs aïeux qui, il y a 50 ans ne croyaient pas possible d'avoir dans la poche un téléphone portable de 100 grammes pour communiquer en réseau avec le monde entier.

Alors, soyons prudent avec nos certitudes, depuis la création de l'univers  puis de l’humanité, des progrès constants ont été effectués et ça continuera ainsi, pensez vous que nos arrières grands-parents songeaient possible qu'un satellite et un module se pose sur la planète Mars, y prenne des photos, fasse des forages, des analyses et envoie tout ça vers la Terre ... bien sûr que non.


Mon ami Juan n'avait sans doute pas tous ces éléments "de buzz" en tête quand il a rédigé son billet sous l'emprise de la colère.




Commentaires

  1. merci de me dérouler l'historique de la manip. Tu as bien fait. ;-)

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    1. parfois les choses paraissent si spontanées que cela devient suspect :)

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  2. Pfff... ils sont d'accord, pas de tweetclash? déçu ;-)

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  3. Tout cela illustre bien le fonctionnement actuel des médias : course au buzz en oubliant simplement de faire les vérifications de base, qui sont pourtant au fondementt du métier de journaliste !

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    1. et oui, maintenant il faut publier le plus vite possible pour griller la politesse aux sites web des journaux concurrents et donc forcément les vérifs sont totalement subalternes

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  4. Bravo Jeff pour ce billet… Et merci !

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  5. Bah ! Je crois que tout le monde s'en fout et finit par donner raison à Nono

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  6. Tu vois Jef j'arrivais ce soir après la bataille et je me posais la question de savoir dans quel contexte il avait tenu ces propos. J'avais entendu parler de commission parlementaire, et tu fais la démonstration que le dialogue républicain doit retrouver sa place au sein du débat médiatique, au lieu de servir de support à des buzz hypocrites.
    Un ministre a bien le droit, tout de même, de faire part de sa réflexion personnelle à une commission parlementaire, sinon, dans quelle démocratie vivons-nous ? D'un côté on reproche la langue de bois aux politiques, de l'autre on leur rentre dedans dès qu'on trouve une opportunité politique d'exploiter leur "parler vrai" à leurs dépends...

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