Une soirée chez Arnaud Montebourg


On se souvient du candidat aux primaires citoyennes qui, partout où il passait fustigeait la mondialisation, la politique européenne qu'il traitait de passoire vis à vis de l'Asie, la mainmise sur l'Europe d'Angela Merkel sur le porte-bagage de laquelle il plaçait Sarkozy. Les banquiers et la finance mondiale étaient responsables à ses yeux du cataclysme économique vécu par la planète depuis la découverte des subprimes. Il n'avaient pas de mots assez durs sur le traité Merkozy (pacte budgétaire)..... qu'il a fini par accepté avec Hollande.

On se souvient de son résultat "étonnant", mais pas surprenant, lors des primaires (nous l'avions interviewé à La Rochelle) puisqu'après avoir commencé la campagne à 3% dans les sondages il termina en 3ème position avec plus de 17% des suffrages, derrière les "intouchables" François Hollande et Martine Aubry à qui il avait adressé une lettre à laquelle les impétrants avaient répondu.

Depuis lors, et après la victoire de François Hollande le voilà "ministre du redressement productif", pompier en chef au service de l'industrie malade, superman des plans sociaux qui s'empilent depuis 2008 et la crise des subprimes, puis de l'Euro. 

La bonne volonté de Montebourg n'en n'est pas moins plombée par la crise qui fait des ravages. Sans croissance pas d'emplois, sans croissance les entreprises les moins solides périclitent, sans croissance le chômage grimpe grimpe grimpe. Nous sommes encore dans cette séquence diabolique au milieu du tunnel où on ne voit pas encore le jour. On nous promet la lumière mais au mieux sans doute nous apercevrons une loupiote en 2014.

En attendant, face au libéralisme-économique ambiant d'un monde dirigé par des financiers et non par les politiques, Arnaud Montebourg s'emploie à faire bouger les lignes en France et en Europe où il fustige la passivité des "idiots du village global"

D'ailleurs on peut se réjouir que la commission européenne bouge un peu, enfin, sur le protectionnisme européen (porcelaine chinoise, panneaux photovoltaïques). Montebourg vante le "made in France" du matin au soir et on observe que petit à petit cela devient présent dans l'esprit des Français même si des paroles aux actes il y a un gouffre car les consommateurs en temps de crise dépensent moins et moins cher.

Tant bien que mal il essaie de raisonner patrons et syndicats pour trouver repreneurs, investisseurs et partenaires de façon à limiter la casse sociale. Il n'hésite pas à payer de sa personne, à taper du poing sur la table,  à chercher des solutions pour sauver des emplois et pour cela il a mis en place le 1er juillet 2012, 22 commissaires au redressement productif, un dans chaque région avec pour mission de soutenir les entreprises de moins de 400 salariés dans la résolution de leurs difficultés. En à peine 6 mois d'activité 368 dossiers ont été traité avec succes pour 48 116 emplois préservés sur 59 308 concernés. "Mon ministère est un ministère d'unité nationale" nous a t-il dit mercredi quand il nous (twittos et blogueurs) a reçu à Bercy

A côté de ses dossiers régionaux, d'autres, d'ampleur nationale, étaient déjà sur son bureau à son arrivée au ministère, (Pétroplus, Goodyear, Peugeot, ArcelorMittal) qui sont des désastres industriels où trop souvent le salarié est la variable d'ajustement des redressements des entreprises.  C'est l'hétitage que lui ont laissé Besson et Estrosi ses prédécesseurs qui eux même avaient échoué dans les dossiers Continental et Molex par exemple. 

Au sein du gouvernement Arnaud Montebourg est devenu un chaud partisan des accords fait de concessions réciproques, en cela il appuie l'accord de compétitivité de Renault qui, en contrepartie "d'efforts" demandés aux salariés relocalise en France la production de 200 000 voitures par an ce qui nous dit-il est l'équivalent de la production de Toyota dans son usine de Valenciennes.

Malgré tout, le moins que l'on puisse écrire c'est qu'il divise l'opinion, ce qui n'est pas une nouveauté par parenthèse, mais le dernier sondage Ifop le plaçait quand même en 8ème position des personnalité politiques les plus appréciées des Français avec 57% de bonnes opinions ce qui est un très bon résultat. 

Le volontarisme de Montebourg, sa ténacité, son énergie sont loués par son camp politique (une partie seulement hein faut pas déconner) et à vrai dire même Mélenchon est moins critique avec lui qu'avec les autres ministres. Evidemment il est critiqué par le camp d'en face auprès duquel il serait le Don Quichotte de l'industrie, sans pouvoir ni moyen. Son côté parfois chevaleresque déplait à la droite au bilan industriel catastrophique qui joue dans la caricature en se moquant de son verbe et de son aisance à manier les mots qui seraient inefficaces.


Mercredi 13, Arnaud Montebourg nous a reçu à Bercy, une dizaine de blogueurs et twittos étaient présents, pour un échange forcément trop court d'à peine une heure là où il en aurait fallu deux fois plus.

Nous avons fait un tour d'horizon assez large mais rapide, trop rapide, de son activité, on a pu évoquer : Renault, le Made in France, le diesel, le french bashing, le pacte de compétitivité, les relocalisations, la BCE, les voitures électriques, l'implantation en France des sociétés étrangères.

Lors de son propos liminaire, Arnaud Montebourg a décliné devant nous un véritable plaidoyer pour l'industrie française  et le "patriotisme économique" qui doit l'accompagner, selon lui cela nécessite "une unité nationale" sans faille qui n'admet pas le french bashing des Français qu'il condamne fermement. Pour Montebourg si les Français sont divisés il perdront. (A lire chez Seb Musset)

En réalité pas de nouveauté par rapport à ce que l'on lit dans les journaux et sur les sites web ou bien à la télévision. Personnellement je l'ai senti à l'offensive sur tous les sujets admettant peu parfois nos approximations  "d'interviewers non professionnels". 

Ministre, il est devenu un partisan des accords de type ANI considérant que chacun (employeurs et salariés) doit faire des efforts vers l'autre pour arriver à un accord protégeant l'emploi. Personnellement je crois que l'on peut avoir un autre avis sur la question, ce qui est mon cas.

Sur le diesel le tovaritch Politeeks l'a titillé sur les normes de pollution mais le ministre, tout en précisant qu'il n'avait pas les compétences nécessaires en médecine, se réfugie derrière l'avis des spécialistes de l'académie de médecine,  pour qui la dernière norme permettrait de limiter énormément les émissions de CO2 et particules fines. (A lire chez Politeeks)

Sur la BCE, Montebourg nous a ressorti son discours des primaires consistant à dire (à juste raison selon moi) qu'il était nécessaire de monétiser une partie de la dette comme le font les banques centrales japonaise, britannique et américaine. Discours toujours en pleine actualité. Et quand on lui demande comment faire changer la BCE, alors Montebourg nous dit "il faut lui parler". Autant dire qu'étant donné la volonté contraire d'Angela Merkel, nous ne sommes pas prêt de voir un peu de dette monétisée.

En conclusion, suivant Arnaud Montebourg depuis un petit moment je dois vous avouer ne pas avoir été surpris par ses réponses à nos questions. Je le connais presque trop.

Entre neige, vent glacial et verglas chacun s'en est retourné chez lui après ces échanges. Nous nous reverrons, sans aucun doute.

En bonus, voici le rapport annuel 2012 de l'activité des 22 commissaires au redressement productif :




Crédit photos : Margot

Commentaires

  1. Arnaud Montebourg est très bien dans l'ensemble et est certainement le meilleur à cette place mais quand je l'entends se féliciter de certains accords signés comme l'accord de compétitivité chez Renault, j'ai du mal à partager son enthousiasme.

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  2. Ah oui Fred, justement je m'attendais à lire ton avis sur ce passage "Renault" . Si tu veux Seb a le son du truc en entier avec le passage en question.

    Sur la BCE/monnaie/Dette : il est tout seul, je lui a dit et il ne répond pas bien sûr: il n'est pas tout seul en fait, mais y'a des tas de gens.. Faut que je vois Larrouturou a ce sujet bientôt.

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    1. Oui, s'il était possible d'écouter, je suis preneur.

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